Bruno REBSTOCK participe à la 5ème édition des Rencontres pénales stéphanoises

Bruno REBSTOCK intervient aux 5èmes Rencontres pénales stéphanoises co-organisées par le Barreau de Saint Etienne et l’Université Jean Monnet.

Cette édition 2025 a pour objectif de proposer des réflexions et des éclairages sur la Loi n° 2025-532 du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic.

Trois tables rondes : la première consacrée à une présentation du phénomène du narco-trafic dans une approche sociologique et juridique. La deuxième à l’appréhension des droits de la défense dans le cadre de cette criminalité ; la troisième consacrée aux techniques spéciales d’enquête : dossier coffre, activation à distance des ordinateurs, téléphones, la géolocalisation satellitaire, l’amélioration du statut du collaborateur de justice.

Face à des magistrats et enquêteurs qui accueillent favorablement cette loi qualifiée par l’un d’entre eux de loi d’adaptation aux évolutions technologiques, Bruno REBSTOCK met en garde contre un élargissement inévitable de ces dispositifs dérogatoires du droit commun à l’ensemble du champ pénal rappelant que le particulier a toujours vocation à devenir le général. Il soulignait également, pour la dénoncer, cette approche suspicieuse de l’exercice des droits de la défense en justifiant selon le législateur la nécessité de restreindre ou de compliquer l’exercice des droits : suppression de la possibilité de formuler une demande de mise en liberté par lettre recommandée avec avis de réception, diminution des débats contradictoires préalables aux éventuelles prolongation de la détention provisoire, allongement des délais de comparution des accusés détenus devant la cour criminelle départementale notamment.

Bruno REBSTOCK propose trois biais de lecture pour appréhender cette loi :

Le premier biais : une loi d’adaptation supplémentaire aux évolutions technologiques. Sur le principe, il n’y a pas de critique à formuler sauf à considérer qu’il faudrait freiner l’efficacité de l’enquête. Ce serait absurde. Et nous n’avons pas du côté de la défense une position d’obstruction. Ne pas coopérer, ne pas collaborer ne doit pas se traduire en volonté d’obstruction.

Le deuxième biais : la régularité formelle dans la mise en œuvre d’une technique spéciale d’enquête ou d’une modalité dérogatoire au droit commun. Encore qu’en matière de ligne de contact entre le droit commun et le droit particulier, on peut regarder cela comme la longue mais certaine érosion du trait côtier…

Le troisième biais : c’est la question de la proportionnalité. Quel est le point d’équilibre entre ces adaptations qui induisent une atteinte certaine à l’intimité, au respect de la vie privée d'une part, et les enjeux répressifs d'autre part. Un critère soumis au contrôle de constitutionnalité. Mais également devant la chambre criminelle et les juridictions inférieures. Difficile de développer un argumentaire sur la proportionnalité de la mise en œuvre d’une technique spéciale d’enquête au stade de l’enquête préliminaire ou de l’information judiciaire. La défense n'est pas présente pour présenter des observations devant le juge des libertés et de la détention lorsqu'il s'agit de décider de la mise en oeuvre de ces techniques spéciales d'enquête. Au fond, excepté le contrôle de constitutionnalité a priori, les chambres de l’instruction ne procèdent pas à ce contrôle et les juges d’instruction – les parquets de plus fort – ne manifestent pas un questionnement visible sur la question de la proportionnalité de la technique mise en œuvre. La défense est donc démunie.

Et le rôle de la défense ?

La défense n’a pas vocation à participer à la manifestation de la vérité. Elle a vocation à œuvrer à la manifestation de la vérité du mis en cause. Encore que le terme « vérité » très prétentieux. Une sorte de réalité incontrôlable, un peu biblique, de l’ordre de la transcendance et de la révélation. On lui préfèrera le pragmatisme que l'on pourrait exprimer par une contribution à la manifestation de la réalité.

Il faut regretter que la défense soit victime d’une défiance certaine et d’autant plus victime de cette défiance que cette défense se spécialise. Au fond ce qui ferait la qualité des autorités judiciaires et d’enquête serait le défaut majeur d’une défense spécialisée.

La défense doit se spécialiser :

La défense doit prospérer sur deux axes : un axe juridique (l’examen procédural du dossier) au travers d’une double approche – la régularité formelle et le principe de proportionnalité à l’égard duquel il n’existe pas de contrôle satisfaisant puisqu’au fond le principe de la proportionnalité est posée implicitement par le législateur et subsidiairement par la non censure par le Conseil constitutionnel -  et un axe factuel : comprendre le résultat des investigations techniques (ADN, téléphonie, informatique, géolocalisation).

En conclusion : si cette loi est une loi essentiellement d'adaptation, il n'en demeure pas moins qu'elle s'accompagne d'un affaissement notoire des droits de la défense et qu'elle nécessite pour celle-ci de se spécialiser aux techniques spéciales d'enquête afin d'être en capacité de décrypter et d'interpréter convenablement les résultats des investigations techniques en ce qu'ils sont le support de l'accusation et en ce qu'ils constituent le terreau des éléments à charge et à décharge.