Conséquences du BREXIT : une condamnation prononcée au Royaume-Uni ne constitue plus le premier terme de la récidive

La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne emporte des conséquences juridiques dans bien des domaines de la sphère judiciaire, y compris le droit pénal.

Devant la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, Me Bruno REBSTOCK a assisté un prévenu de nationalité britannique, poursuivi par le ministère public et les douanes, pour des faits d’importations et d’exportations d’importantes quantités de cocaïne entre la France, l’Espagne et le Royaume-Uni.

La question de l’aggravation de la peine était au cœur du débat puisqu’il était notamment reproché au prévenu d’avoir commis ces faits en état de récidive légale suite à sa condamnation, en aout 2010, par la High Court de Glasgow.

Or, depuis le 1er février 2020, le Royaume-Uni et l’Irlande du Nord ne font plus partie de l’Union européenne…

C’est précisément ce qu’a fait valoir la défense du prévenu qui demandait à la Cour d’appel de tirer toutes les conséquences légales du Brexit : le Royaume-Uni n’étant plus une juridiction d’un État membre de l’Union européenne, l’article 132-23-1 du code pénal devient inapplicable. Dès lors, il est impossible de retenir l’état de récidive qui dépend de ces dispositions.

Pour résumer, Me Bruno REBSTOCK soutenait que la condamnation d’août 2010 par la juridiction Ecossaise n’était désormais plus susceptible de caractériser le premier terme de la récidive.

Convaincu par le raisonnement, par arrêt du 14 février 2022 la Cour a infirmé la décision du Tribunal correctionnel de Marseille en écartant la circonstance aggravante de récidive légale avec pour conséquence que la peine encourue était alors ramenée de 20 ans à 10 ans d’emprisonnement.

Cette solution est originale, car elle prend le contrepied d’une décision dans laquelle la Chambre criminelle de la Cour de cassation avait retenu que le Brexit est sans conséquence sur les condamnations prononcées avant la sortie de l’Union européenne (Cass. crim., 14 avr. 2021, n°20-82.529).

On relèvera néanmoins que, dans l’affaire examinée par la Cour de cassation, la Cour d’appel s’était prononcée alors que la sortie de l’Union européenne n’était pas encore actée.

Le Royaume-Uni était donc encore considéré comme une juridiction d’un État membre de l’Union européenne, condition essentielle de l’application de l’article 132-23-1 du code pénal.

Mais cette différence de situation suffit-elle à expliquer ce « grand écart » entre les solutions rendues ?

Il est permis d’en douter.

Il faut plus vraisemblablement y voir la manifestation d’une divergence d’appréciation de la nature juridique de l’accord de retrait du Royaume-Uni.

Il semblerait en effet que les juges Aixois – contrairement à la juridiction suprême française – analysent cet accord comme une loi pénale de fond nouvelle et plus douce, c’est-à-dire favorable au prévenu, devant s’appliquer rétroactivement aux faits commis avant son entrée en vigueur.

Quoiqu’il en soit, la décision de la Cour d’appel a le mérite de rompre avec l’analyse restrictive des effets du Brexit sur le droit interne adoptée par la Chambre criminelle (V. par exemple à propos du mandat d’arrêt européen : Cass. crim., 26 janv. 2021, n°21-80.329).